Les couleurs d’Agnès

Agnès Varda présente cette particularité d’être à la fois iconique et toujours surprenante. La cinéaste aux mille visages, qui se déclare à la fin de sa vie “grand-mère de la Nouvelle Vague”, révèle dans cette exposition une identité multiple et ambivalente. Cet hommage pop et coloré permet de (re)découvrir les aspects insoupçonnés d’une artiste ayant plus d’un tour dans son sac. 

Quelques images d’Épinal ont longtemps voilé la pluralité et la finesse d’une œuvre profondément humaine et audacieuse. Dans ses dernières années, Agnès Varda s’est volontiers amusée à cultiver l’image d’une “petite vieille replète et bavarde”. Ce jeu, non sans ironie, avec un stéréotype misogyne, a été si bien avalé par l’appareil médiatique qu’il a souvent fait écran aux combats socio-politiques et à la quête de liberté de la cinéaste. En effet, son œuvre s’est toujours attachée à des thèmes actuels et concrets comme l’avortement, la guerre d’Algérie ou encore la consomation de masse. Il en résulte un travail au plus près des situations observées, aussi bien documentaire que fictif. 

Des films tels que Cléo de 5 à 7 ou Sans toit ni loi ont connu, à juste titre, une réception large et favorable de la critique et du public. Cette exposition s’attache toutefois à mettre en valeur d’autres chefs d’œuvres d’Agnès Varda, moins connus mais tout aussi brillants. Les salles aux teintes acidulées du parcours sont par exemple un clin d’œil à la palette chatoyante du film Le bonheur (1965). Ce drame familial grinçant exprime le malaise d’un monde contemporain muet face aux inégalités de couple. Ce long-métrage est monté à la manière d’un bijou : la réalisatrice choisit elle-même les moindres accessoires de cette œuvre d’art totale. 

Le chemin recomposé par Florence Tissot et Rosalie Varda met en lumière les liens entre le cinéma et les autres pratiques d’Agnès, comme la photographie ou l’installation. Les images séduisantes de la série Love-in (1968), prises en Californie en même temps que la réalisation de Lions Love (…and Lies), illustrent la dimension transatlantique et rock de la cinéaste. Dans une autre voie, les cabanes réalisées en pellicule ou en pommes de terre permettent de mesurer la malice et la diversité de la créatrice, débordant sur le champ de l’art contemporain. Ainsi, l’artiste est invitée en 2003 à la biennale de Venise et expose La cabane du Bonheur en 2006 à la fondation Cartier. 

Enfin, une plongée biographique signée Laure Adler offre l’occasion de se mettre en phase avec une trajectoire singulière et aventureuse. La plume souple de la journaliste dévoile à la fois l’unité et la richesse du parcours d’Agnès dans sa dimension intime. Un choix de photographies d’archives et de famille ponctuent cette narration à la fois fidèle et déliée. Chacun peut y (re)trouver des anecdotes croustillantes, dont une fugue maritime en Corse. Ce sont autant d’indices retraçant une personnalité forte et entière, indissociable de son œuvre.

Exposition Viva Varda ! à la Cinémathèque française, du 11 octobre 2023 au 28 janvier 2024.


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