“Quand tu as un ennemi, ne le laisse jamais en paix, harcèle-le !”
Presque deux ans jour après la sortie remarquée de son premier long-métrage de fiction, Nelly Kaplan fait son grand retour avec Papa les petits bateaux. Le film suit la riche héritière Vénus de Palma, enlevée par quatre gangsters dans l’espoir d’obtenir une rançon. Les ravisseurs s’avérant être de parfaits incapables, rien ne se passera comme prévu et l’héroïne y verra l’opportunité de s’enrichir. Sheila White incarne la jeune femme survoltée de cette histoire, accompagnée par une multitude d’acteurs ayant déjà fait leurs preuves avec de grands cinéastes : Judith Magre chez Sacha Guitry et Louis Malle, Michel Bouquet chez Truffaut et Chabrol, ainsi que Michael Lonsdale qu’on ne présente plus.
Si la filmographie de Nelly Kaplan est passionnante, il est sans doute préférable de faire l’impasse sur ce second film. Comme dans La Fiancée du pirate, la réalisatrice suit un personnage principal dominé qui va peu à peu prendre le contrôle de son environnement. Mais là où Marie était d’abord calme puis gagnait en confiance, Vénus est provocatrice et libérée dès le générique d’introduction. Très vite, on est irrité par ses mimiques incessantes et son jeu survolté qui rappellent un dessin animé. Le film suit effectivement une logique cartoonesque, répétant inlassablement la même boucle d’actions menant à la mort d’un gangster. Les personnages sont simplifiés à l’extrême, le rythme survolté comme si on regardait un court-métrage : regarder Papa les petits bateaux est une expérience physique dont on ne sort pas indemne.
Malheureusement, le film ne possède pas la folie jouissive d’un cartoon : la mise en scène est fixe, sans parti-pris marquant. Les quelques bonnes idées de séquences tombent à plat, à l’image de cette ridicule scène de combat entre les deux femmes du film où la chorégraphie n’est pas suffisamment loufoque pour faire rire. Cette absence de créativité trouve son climax lorsqu’un personnage mange des petits-pois qui augmentent sa force, idée insolite qui n’est appuyée par rien de visuel, et qui n’a donc aucun impact. Le film peine à dépasser les limites imposées par le tournage en prises de vue réelles, et emprunte même à la comédie française ses acteurs en roues libres.
Il en résulte une comédie épuisante sans aucun répit pour le spectateur, trop vide pour pouvoir s’accrocher à des personnages ou à un propos, là où La Fiancée du pirate était suffisamment malin pour qu’on lui pardonne ses quelques problèmes de rythme. En s’essayant seulement deux fois à la fiction, Nelly Kaplan nous prouve qu’elle est capable du meilleur comme du pire. Heureusement, son film suivant, Néa, repart sur quelque chose de plus engageant.
Papa les petits bateaux de Nelly Kaplan / Avec Sheila White, Judith Magre, Michel Bouquet / Sortie en 1971.
La réalisatrice Nelly Kaplan nous a quittés le 12 novembre 2020 à l’âge de 89 ans. En son hommage, Contrastes lui consacre cinq articles sur ses films de fiction.