Malice et mise à nu

Entre comédie et art poétique, Le Livre des solutions explore les coulisses d’un tournage avec une note intime et singulière. Présenté à la Quinzaine des cinéastes cette année, le film arpente les arcanes du travail de l’auteur avec esprit, rythme et émotion. 

Le choix des acteurs reflète l’éclectisme et la finesse du réalisateur. Le premier rôle est conféré à Pierre Niney, fidèle à son jeu et son identité homogène mais conforme à l’archétype du génie tyrannique. Ce personnage est relevé par le talent de la mythique Françoise Lebrun, héroïne inoubliable de La maman et la putain de Jean Eustache, ainsi que Blanche Gardin, Camille Rutherford et Frankie Wallach. Ce casting essentiellement féminin parvient à restituer le climat quasi familial de la création d’un film. La brève apparition de Sting vient comme un éclair et un clin d’œil, complétant un corpus hybride de références personnelles.

Création et névrose se marient avec drôlerie dans cette satire du cinéma d’auteur. Michel Gondry dresse ainsi une sorte de petit traité sur son propre art, s’inscrivant dans les pas d’Olivier Assayas avec Irma Vep. Tous les clichés associés passent au crible, de l’archétype du producteur vénal fermement opposé aux excès poétiques jusqu’au stéréotype du réalisateur aussi exigeant que fantasque et incompréhensible. Toutefois, ce modèle caricatural n’est jamais présenté de façon univoque. Le Livre des solutions est autant une sublimation qu’un une mise à nu à et un aveu de faiblesse. 

L’invention est placée sous le signe d’une dérision entre violence et douceur. Les idées fusant dans l’esprit du créateur apparaissent alternativement comme un frein et un moteur de construction d’un projet. Pour un succès, mille vaines tentatives sont nécessaires. L’auteur ne cache pas l’amusement qu’il tire de sa propre vanité et le partage avec les spectateurs, instaurant une complicité empreinte de malice. 

L’insertion d’une séquence de dessin animé d’une délicieuse facture marque avec légèreté le point culminant du film. C’est une auto-référence à la pratique du clip autant qu’à l’amour du dessin et de la spontanéité de l’idée, presque brute. Michel Gondry se place ici dans la tradition léonardienne de la Cosa mentale, réinterprétée avec esprit.

Le livre des solutions révèle les fragilités d’une existence d’ardeur et d’exaltation créatrice. L’expérimentation est le cœur du cinéma de Michel Gondry. La justesse de ce long-métrage est d’arriver à allier les métarécits, emboîtements et autres tours de passe-passe sans concession sur les travers d’une méthode de profusion imaginative. C’est autant une moquerie de la figure du Démiurge hugolien qu’une célébration espiègle d’une véritable technique du rêve.


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princecranoir

La fabrication artisanale d’un film est ici au cœur du projet, c’est vrai, du tournage au montage, en passant par cette séquence mémorable de l’enregistrement de la musique. Mais c’est aussi un voyage intime, un retour au source du réalisateur. Ce Livre des Solutions est à la fois un manuel de fabrication un brin loufoque et un journal intime, une catharsis en forme d’aveu. La bienveillance que Gondry accorde aux personnages satellites (magnifiquement servis par Frankie Wallach et Blanche Hardin entre autres) est un élément particulièrement touchant du film.

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